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đŸ€• Prendre soin de nous 2/2 ❀

Nous relayons des documents prĂ©cieux produits par l’Ă©quipe des SoulĂšvements de la Terre pour accompagner les personnes blessĂ©es et en dĂ©tresse.
👉 Ci-dessous : « Trauma et blessures »
👉 Dans un autre article : « Soutenir une personne en dĂ©tresse »
#AutoDefenseSanitaire

 TRAUMA ET BLESSURES 

« De nos jours, manifester peut constituer une source importante de stress, de blessures physiques, de rĂ©pression lĂ©gale, mais pas que. La question des consĂ©quences psychologiques post-action, pourtant fondamentale, est souvent moins abordĂ©e. 

Participer Ă  des Ă©vĂšnements particuliĂšrement stressants peut mener Ă  dĂ©velopper ce qu’on appelle un « syndrĂŽme de stress post-traumatique » (SSPT). Le SSPT a des consĂ©quences Ă  court et long terme ; il impacte les individus, les groupes et plus largement nos mouvements militants. Souvent mal compris, ce traumatisme psychologique crĂ©e beaucoup d’apprĂ©hension. Pour autant vivre un trauma n’est pas une condamnation fatale. Mieux comprendre le SSPT, ses enjeux, c’est Ă©laborer des pistes pour moins le craindre, sortir de l’impuissance et le traverser lorsque nous en sommes les victimes. 

Cette brochure a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par des militant·es dont certain·es ont une formation en psychologie. Elle vise notamment le contexte des manifestations politiques. Dedans on y parle traumatisme, Ă©tat de sidĂ©ration, violence (notamment policiĂšre), agression. Assure-toi que c’est ok pour toi de t’y plonger. 

COMPRENDRE CE QUI TRAUMATISE DURABLEMENT 

Ce qui traumatise durablement, ce ne sont pas tant les impacts physiques de la violence d’autres individus que les impacts symboliques de l’abus de pouvoir. Dans la majoritĂ© des cas, les plaies durables sont celles que l’on ne voit pas, que l’on ne sait ni identifier, ni faire reconnaĂźtre. Bien souvent c’est la violence symbolique qui nous impacte le plus durement. Par exemple la domination abusive de quelqu’un·e, la trahison d’une personne censĂ©e nous protĂ©ger ou encore les abus de pouvoir commis par les reprĂ©sentant·es de l’Etat (humiliation, rĂ©pression, torture
). Ceux-lĂ  sont des violences exercĂ©es par des personnes dĂ©tentrices d’un pouvoir sur les autres de par leur fonction alors mĂȘme qu’elles sont censĂ©es nous protĂ©ger. Une telle situation peut nous plonger durablement dans un sentiment d’insĂ©curitĂ© et d’impuissance. Le travail de rĂ©paration va donc consister Ă  reprendre suffisamment les choses en main (petites victoires/accomplissements qui donnent du contrĂŽle) pour reprendre confiance dans notre capacitĂ© Ă  nous sĂ©curiser durablement. 

FACTEURS DE RISQUES 

Quand nous parlons de traumatisme, nous ne parlons pas de l’évĂ©nement en lui-mĂȘme mais de ses effets psychologiques. Or selon qui nous sommes (vĂ©cu personnel et intergĂ©nĂ©rationnel, discriminations liĂ©es aux oppressions systĂ©miques
), les effets du traumatisme seront diffĂ©rents. On peut quand mĂȘme repĂ©rer des facteurs de risques qui rendent un Ă©vĂ©nement particuliĂšrement traumatogĂšne, parmi lesquels : 

  • le caractĂšre soudain de l’évĂ©nement (qui impacte tout particuliĂšrement les personnes qui ne s’attendaient pas Ă  la violence qu’elles ont vĂ©cue)
  • les stimulations intenses (cris, explosions des grenades, Ă©touffement ou perte de visibilitĂ© liĂ©es au gaz lacrymogĂšnes, bousculades…)
  • l’atteinte Ă  l’intĂ©gritĂ© physique qui confronte au risque de mort (nasse, blessure grave -subie ou constatĂ©e-, menace par les armes du « maintien de l’ordre »…)
  • le caractĂšre intentionnel de ces actes destructeurs commis par des agent·es de l’État (impact renforcĂ© par le discours du gouvernement lĂ©gitimant la rĂ©pression policiĂšre alors que la police est, thĂ©oriquement, d’abord associĂ©e Ă  la protection des personnes) 
  • la sensation d’ĂȘtre humilié·e ou dĂ©nigré·e
  • le sentiment de perte de sens de l’action (qui peut ĂȘtre prĂ©sent quand la lutte est longue ou sans rĂ©sultat satisfaisant) 
  • la vulnĂ©rabilitĂ© physique et/ou psychique (que l’on retrouve chez des manifestant·es rĂ©guliers·Úres qui peuvent ĂȘtre fatigué·es, voire mĂȘme dĂ©jĂ  traumatisé·es).

CHOC PSYCHOLOGIQUE ET SSPT 

Ce n’est pas la mĂȘme chose, mais avoir subi un choc psychologique est un facteur de risque de dĂ©velopper un syndrome de stress post-traumatique. 

1. Choc psychologique 

Une personne confrontĂ©e Ă  un Ă©vĂ©nement traumatogĂšne (soudain, violent et qui confronte Ă  la rĂ©alitĂ© de la mort) peut subir un choc psychologique qui prend la forme d’une sidĂ©ration, d’un « black-out » durant lequel elle ne pense plus, n’a ni d’émotions ni sensation et reste tĂ©tanisĂ©e. Cet Ă©tat, transitoire, peut durer de quelques secondes Ă  quelques heures. La personne choquĂ©e peut rentrer chez elle en mode « pilote automatique » par exemple. Cet Ă©tat peut lui donner la sensation d’une petite mort. Elle peut alors se sentir en dehors de la rĂ©alitĂ© commune, rejetĂ©e, exclue. Dans ces circonstances, l’enjeu premier est de la sortir de sa sidĂ©ration pour qu’elle puisse traiter les informations, recommencer Ă  fonctionner et faire Ă©voluer les choses. 

Quand aprĂšs un choc on peut verbaliser trĂšs rapidement son vĂ©cu (ce qu’on a vu, pensĂ©, ressenti, fait) dans un espace oĂč on se sent entendue, reconnue, rĂ©-inclue, alors le choc peut s’estomper. Il est donc primordial qu’aprĂšs une manifestation par exemple, les personnes qui ont Ă©tĂ© choquĂ©es puissent ĂȘtre entourĂ©es. 

C’est notamment le rĂŽle du dĂ©briefing (bilan, Ă©valuation, retrouvailles) post-action que l’on peut faire immĂ©diatement (« à chaud ») et aussi plusieurs jours aprĂšs (« à froid »). Les participant·es Ă  un mĂȘme Ă©vĂšnement peuvent alors se retrouver pour Ă©changer sur leur vĂ©cu et leur ressenti, reconstituer ensemble un rĂ©cit chronologique et spatial des Ă©vĂšnements qui soit sĂ»r et partagĂ© et auquel chacun·e peut se raccrocher (pour ensuite y rapporter son propre vĂ©cu Ă©motionnel). Cette opĂ©ration simple permet gĂ©nĂ©ralement d’éviter les points de non-sens et d’incomprĂ©hension susceptibles de crĂ©er de la sidĂ©ration ou de l’obsession par la suite. 

En revanche, si le choc est trop intense, si la personne a la sensation d’ĂȘtre isolĂ©e, seule avec son vĂ©cu diffĂ©rent, incomprise, culpabilisĂ©e de ce moment de vulnĂ©rabilitĂ© ou de s’ĂȘtre ainsi exposĂ©e, si elle a un sentiment de perte de sens d’autant plus grand, si elle ne prend pas le temps de se reposer avant de se confronter Ă  nouveau aux mĂȘmes stimulations (retour en manifestation ou visionnage d’images qui rĂ©actualisent l’état de choc), alors cette personne risque dĂ©velopper un syndrome de stress post-traumatique. 

2. Syndrome de stress post-traumatique (SSPT) 

L’intrusion dans notre enveloppe de sĂ©curitĂ© psychique entraine ce qu’on appelle une « sidĂ©ration traumatique » : notre psychisme est comme gelĂ©, et ne parvient pas Ă  traiter l’Ă©vĂšnement pour passer Ă  autre chose. Un individu sidĂ©rĂ© est comme sur « pause » et subit les symptĂŽmes de cette angoisse. Iel a un risque de dĂ©velopper un trouble psychique envahissant et ce, mĂȘme en n’étant pas soi-mĂȘme blessé·e. Le SSPT peut se dĂ©clarer de diffĂ©rentes façons (mĂȘme Ă  retardement) mais on repĂšre toujours : 

  • des rĂ©miniscences (flash-back et/ou cauchemars incontrĂŽlables qui tournent en boucle / on peut mĂȘme avoir l’impression de revivre l’évĂ©nement traumatique et dĂ©clarer des attaques de panique) 
  • des troubles de la mĂ©moire (souvent avec une amnĂ©sie de certains Ă©lĂ©ments et une hypermnĂ©sie d’autres moments qui reviennent Ă  l’esprit de maniĂšre trĂšs dĂ©taillĂ©e) 
  • des Ă©tats d’hypervigilance (on est toujours sur ses gardes, se sentant menacé·e en permanence, sursautant au moindre bruit soudain ou inhabituel, ayant des rĂ©actions de dĂ©fense ou de fuite si on nous touche, ou si on voit un·e agent·e en uniforme
) 

On peut Ă©galement repĂ©rer d’autres signes du SSPT comme : 

  • un Ă©vitement de tout ce qui peut Ă©veiller les rĂ©miniscences (Ă©viter de retourner sur les lieux des manifestations et/ou de regarder des images qui les rappelle, voire mĂȘme arrĂȘter la lutte) 
  • un dĂ©tachement Ă©motionnel partiel (associĂ© Ă  l’évĂ©nement traumatique qui est banalisĂ©) ou total (l’impression d’ĂȘtre vide et de ne plus rien ressentir). 
  • une dĂ©sorientation (par exemple une difficultĂ© Ă  faire des choix pour soi-mĂȘme, des troubles du langage, la perte du sens de l’orientation). 

Tous ces symptĂŽmes ont une fonction et viennent vĂ©hiculer un message, ils sont donc normaux. Par exemple, tous les symptĂŽmes qui amĂšnent Ă  revivre l’expĂ©rience sont une tentative du cerveau de se reconfronter aux choses pour changer le scĂ©nario initial. Tant que l’esprit n’a pas trouvĂ© comment il pourrait mieux s’en sortir dans une situation similaire, alors ces symptĂŽmes se poursuivront. Autre exemple : les symptĂŽmes liĂ©s Ă  l’Ă©vitement visent Ă  rĂ©duire l’exposition au rĂ©cit traumatique. Se retenir d’exprimer ses symptĂŽmes (souvent douloureux, Ă©puisants et pas toujours faciles Ă  supporter) n’aidera pas forcement au traitement du trauma. Au contraire, nous recommandons plutĂŽt de travailler Ă  la source, en aidant Ă  la personne Ă  comprendre ce qui s’est passĂ© tout en regagnant puissance et sĂ©curitĂ©. Pour cela elle doit pouvoir donner du sens Ă  la situation et ça passe souvent par rĂ©cupĂ©rer des informations et confronter ses souvenirs au rĂ©cit d’autres regards (ce que le dĂ©briefing psychologique vient faciliter). 

Si tu te retrouves dans cet Ă©tat de façon durable, tu peux avoir des consĂ©quences sur ton humeur (agressivitĂ©, angoisses permanentes, dĂ©veloppement de phobies, dĂ©pression…), ta sphĂšre cognitive (trouble de la concentration et de l’attention) et sur ta sphĂšre sociale (mĂ©fiance, rejet des autres, sentiment d’ĂȘtre incompris·e). Cette contamination peut ainsi envahir tous les pans de ta vie que ce soit sur le plan professionnel, relationnel ou Ă©motionnel. 

Aussi il est possible de prĂ©venir ce risque en crĂ©ant un groupe uni, bienveillant et Ă  l’écoute qui puisse te conseiller de faire une pause dans ta confrontation aux risques le temps de te rĂ©tablir. Tout ça pour Ă©viter d’aggraver ton anxiĂ©tĂ© sans ressentir de culpabilitĂ©. Certaines personnes auront pour cela besoin de se sentir utiles dans la lutte par le biais d’autres tĂąches concrĂštes moins exposantes (afin de ne pas se sentir exclues). 

Enfin, dans le cas oĂč une personne dĂ©veloppe les symptĂŽmes d’un SSPT, il est important de ne pas laisser le trouble et la souffrance s’enkyster au risque que cela ne s’ancre plus profondĂ©ment dans sa personnalitĂ© et son existence. Pour cela, consulter un·e professionnel·le du soin peut s’avĂ©rer nĂ©cessaire. L’entourage aura dans ce cheminement un rĂŽle primordial de dĂ©culpabilisation et d’accompagnement car lutter peut ĂȘtre associĂ© Ă  « ĂȘtre fort·e » et donc Ă  « ne pas ĂȘtre vulnĂ©rable » ce qui n’est pas toujours la rĂ©alitĂ© Ă©motionnelle des militant·es. 

L’EXPÉRIENCE DES BLESSÉ·ES 

Face Ă  la violence rĂ©pressive de l’Etat, on peut expĂ©rimenter de nombreux dilemmes et questionnements. Par exemple se dire qu’on s’en sort mieux que d’autres dans notre malheur, parce que l’on a conscience d’ĂȘtre moins impacté·e par les violences systĂ©miques, que l’on n’est pas mort·e ou parce que l’on compare nos blessures Ă  d’autres. Ces rĂ©actions, trĂšs communes, permettent de rationnaliser ce qui nous arrive mais peuvent aussi nous faire tomber dans l’auto-culpabilisation. Dans cette situation, il peut ĂȘtre difficile de savoir quelle posture adopter face Ă  la rĂ©pression de l’Etat, on peut osciller entre diffĂ©rents besoins (reconnaissance du statut de victime, refus de cette mĂȘme position). On peut centrer toute notre Ă©nergie dans la recherche de rĂ©paration, avoir envie de que tout le monde sache ce qu’on a vĂ©cu, ou alors parfois on peut vouloir oublier ce qu’on a vĂ©cu, participer Ă  des activitĂ©s et luttes sans liens avec ça. Ces Ă©tats ne sont pas forcĂ©ment contradictoires, ils peuvent ĂȘtre passagers, se superposer, se multiplier, et ils font partie d’un cheminement interne. Il est important de pouvoir partager ces questionnements et trajectoires avec nos proches. 

Les difficultĂ©s qu’on traverse en tant que blessé·e peuvent ĂȘtre diverses et nombreuses: perte d’autonomie temporaire ou Ă  long terme, galĂšres administratives, violences mĂ©dicales, violences judiciaires, vivre avec un stigmate ou une mutilation et en Ă©tat de choc voire de SSPT. Il se peut que tu doives mobiliser de nombreuses ressources (matĂ©rielles ou non) pour y faire face et faire appel Ă  ton entourage et Ă  des collectifs de soutien pour ne pas ĂȘtre isolé·e dans Ă  cette Ă©preuve. Or ce n’est pas toujours facile de demander de l’aide. On peut formuler ses besoins simplement auprĂšs des personnes ressources identifiĂ©es (« j’ai besoin de soutien », « je n’y arriverai pas seul·e », « est-ce que tu peux m’aider Ă  faire ça »…). Proposer du soutien n’est pas une chose facile non plus, il peut ĂȘtre difficile pour la personne impactĂ©e d’accepter cette situation nouvelle et cette position. C’est pourquoi il ne faut pas imposer ses solutions mais plutĂŽt accompagner le cheminement et les dĂ©marches d’une personne pour crĂ©er des espaces dans elle puisse parler de ses difficultĂ©s. 

DES PISTES POUR SE REMETTRE D’UN TRAUMATISME PSYCHOLOGIQUE 

Dans l’optique de mettre les outils dans les mains de chacun·e et de soutenir la construction de vos propres solutions, nous vous proposons plusieurs pistes pour travailler sur l’impact plus ou moins durable de vos traumas, et prendre soin de votre fonctionnement psycho-Ă©motionnel en gĂ©nĂ©ral. 

 LES FACTEURS DE PROTECTION 

Issus de recherches en psychologie des traumas et retravaillĂ© par le collectif militant « Soutien & RĂ©tablissement », l’idĂ©e est de s’appuyer sur huit catĂ©gories, complĂ©mentaires, Ă  partir desquelles les personnes peuvent dĂ©finir des activitĂ©s concrĂštes renforçant leurs capacitĂ©s Ă  surmonter des traumas. Ces diffĂ©rents « facteurs de protection » aux dimensions multiples (individuelle, interpersonnelle, communautaire) peuvent aussi Ă©voluer au fil du temps. Chaque personne a ses propres stratĂ©gies ; plus elle conscientise et « active » ses propres facteurs de protection, plus elle sera en capacitĂ© de se remettre de ses traumas (stratĂ©gies de rĂ©silience). Évidemment, cela ne dĂ©pend pas que de son bon vouloir : ce travail individuel est un des aspects de la rĂ©silience psychologique et Ă©motionnelle, en complĂ©ment des autres stratĂ©gies dĂ©veloppĂ©es ensuite. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’activer ces facteurs uniquement quand on va mal, mais de chercher Ă  les travailler dans sa vie en gĂ©nĂ©ral, et de pouvoir y revenir si on se sent fragilisé·e et perdu·e. 

Voici les huit catĂ©gories, avec des exemples d’actions en contexte militant : 

1. CrĂ©ativitĂ© : faire des activitĂ©s crĂ©atives si on en a besoin, rĂ©flĂ©chir en essayant de sortir des chemins dĂ©jĂ  trop empruntĂ©s (par exemple dans l’organisation, la prise de dĂ©cision en groupe, les debriefs
) 
2. DĂ©veloppement cognitif : se donner des tĂąches significatives qui sont Ă  portĂ©e de main, Ă©valuer et apprendre de ce qui a Ă©tĂ© fait, partager ses connaissances et expĂ©riences avec autrui… 
3. Signification : rĂ©flĂ©chir Ă  sa motivation personnelle pour le militantisme, prendre du recul pour voir les choses sur le long terme et sortir parfois de l’urgence permanente, crĂ©er ses propres rituels pour marquer des moments importants…. 
4. Prendre soin des fondamentaux : s’assurer que l’on mange et dort comme on en a besoin, (rĂ©)installer un rythme et une routine du quotidien, prendre en compte ses rĂ©actions physiques ou mentales, obtenir de l’aide si on en ressent le besoin
 
5. Du temps pour soi : rĂ©flĂ©chir aux maniĂšres de se ressourcer (s’isoler, Ă©crire, faire du sport, se dĂ©fouler
), vĂ©rifier comment on se sent physiquement, mentalement et Ă©motionnellement avant de prendre des dĂ©cisions (conscientisation) 
6. CollectivitĂ©s et groupes qui fonctionnent bien : cĂ©lĂ©brer ce qui a Ă©tĂ© accompli, crĂ©er des moments pour faire le point sur le plan personnel et interpersonnel, chercher Ă  transformer les conflits, passer des moments qui permettent de se connecter Ă  soi et aux autres 
7. Soins : prendre conscience de ses propres mĂ©canismes d’Ă©vitement (isolement, abus d’alcool et autres drogues, Ă©vasion dans le travail…), prendre soin de soi et des autres avant, pendant, aprĂšs les actions, s’organiser en groupe affinitaire
 
8. Nature : se ressourcer dans les environnements qui nous font du bien, que ce soit la nature ou l’environnement urbain. 

 DES CONSEILS POUR SOUTENIR 

Si on souhaite soutenir une personne blessĂ©e par les armes de la police, certaines attitudes et façon de faire sont Ă  Ă©viter : 

« Mon trauma, ma blessure m’appartiennent, merci de ne pas en faire ce que vous voulez, ni de l’utiliser Ă  des fins qui ne me conviennent pas ». 

  • Laisser la victime tĂ©moigner : Ă©vite de parler Ă  sa place, laisse-lui la place pour tĂ©moigner et la possibilitĂ© de parler des impacts intĂ©rieurs et invisibles. TĂ©moigner demande du courage, il est donc nĂ©cessaire de crĂ©er des espaces sĂ©curisants pour que ça puisse se faire (anonymisation, taille et qualitĂ© du public Ă  l’Ă©coute, prĂ©parer et travailler le rĂ©cit en amont, Ă©viter l’urgence…). 
  • Ne pas essentialiser la victime Ă  sa blessure : Il y a des espaces oĂč les vĂ©cus traumatiques, les blessures ou la perte peuvent ĂȘtre valorisĂ©s socialement comme on le ferait avec des martyrs. Ce n’est pas forcĂ©ment Ă©vident pour quelqu’un·e de concernĂ©e de faire valoir sa souffrance comme quelque chose dont iel doit tirer une reconnaissance sociale positive alors que sa vie est fortement impactĂ©e nĂ©gativement. C’est donc bien d’Ă©viter de dĂ©finir une personne par son expĂ©rience traumatique (« je te prĂ©sente machin·e, iel a Ă©tĂ© blessé· par un flic Ă  tel endroit ») qui rĂ©duit la personne aux violences qu’elle a subie (et Ă  une position de victime) mais plutĂŽt la laisser se prĂ©senter comme iel le souhaite et parler de son expĂ©rience comme iel l’entend et Ă  qui iel veut. Tu peux Ă©ventuellement poser des questions ouvertes dans un contexte adaptĂ© pour en savoir plus sur sa situation. 
  • Pas de rĂ©cupĂ©ration : Permettre la reprise de contrĂŽle d’une personne implique de ne pas profiter de son Ă©tat de dĂ©tresse ou de sa blessure pour alimenter un discours (politique) qui ne lui conviendrait pas et sans son accord. On peut en revanche s’emparer de la question de la rĂ©pression et des oppressions systĂ©miques de façon plus globale. 
  • Ne pas nuire : Ne pas abuser de l’Ă©tat de faiblesse de cette personne pour la pousser Ă  faire des choses qui peuvent avoir un impact Ă  plus long terme sans avoir pris le temps de les questionner, comme par exemple parler aux mĂ©dias ou dĂ©poser plainte. Il est important de prendre le temps et de ne pas agir dans l’urgence et sous la pression. 

AXES PSYCHOTHERAPEUTIQUES POUR REPARER L’IMPACT DURABLE DES VIOLENCES 

Face Ă  des comportements abusifs et violents, voici quelques axes supplĂ©mentaires pour rĂ©ussir Ă  les surmonter : 

 Comprendre ce qui s’est passĂ© : 

Avoir une vue d’ensemble de la situation et de ces enjeux en discutant avec des tĂ©moins, en comprenant la tactique, les armes des forces de l’ordre et les dĂ©terminants qui ont conduit Ă  la blessure pour commencer Ă  reprendre le pouvoir. C’est comme rassembler les piĂšces d’un puzzle, et cela peut permettre Ă  la personne de sortir de son Ă©tat de sidĂ©ration. Cela permettra aussi de savoir comment apprĂ©hender diffĂ©remment une future situation similaire potentielle. 

Comment faire ? 
– Discuter 
– Reprendre le pouvoir Ă  l’échelle individuelle
Restaurer son sentiment de sĂ©curitĂ© est essentiel pour diminuer les symptĂŽmes et leurs divers impacts. 

Cela comprend : 
– une dimension externe : ĂȘtre dans un espace identifiĂ© comme « sĂ©curisant » par la personne, oĂč les dangers sont fortement diminuĂ©s. 
– une dimension interne : restaurer son sentiment de sĂ©curitĂ© interne en identifiant les sources de ses angoisses pour tenter de les traiter. La premiĂšre Ă©tape est souvent , de reprendre confiance en son pouvoir d’agir pour ensuite aller de plus en plus loin. L’intĂ©rĂȘt n’est pas de devenir obsessionnel·le du contrĂŽle, mais bien d’expĂ©rimenter Ă  nouveau la possibilitĂ© de choisir et ne pas juste subir. 

 Reprendre le pouvoir Ă  l’échelle sociale : 

Croire la personne et la reconnaitre dans ses souffrances est essentiel pour sa reconstruction. Certes, la personne ayant vĂ©cu ces Ă©vĂšnements n’est pas responsable de la violence qu’elle subit. Mais ce sera difficile de sortir de son ressenti tant qu’elle n’a pas rĂ©cupĂ©rĂ©e de la lĂ©gitimitĂ© via le regard social. Le prĂ©judice doit ĂȘtre reconnu et entendu, au moins par ses proches, dans la mesure du possible par son entourage Ă©largi. Par exemple, la communautĂ© Ă  laquelle iel appartient ou de laquelle iel est originaire, son organisation militante, son milieu social… Parfois mĂȘme, si c’est une stratĂ©gie choisie et que cela fonctionne, une reconnaissance de l’Etat, du systĂšme judiciaire, de la communautĂ© internationale. Cette reconnaissance sociale aide la personne Ă  se sentir lĂ©gitime dans sa souffrance, l’aidant Ă  sortir de la honte, de la culpabilitĂ© et du sentiment d’ĂȘtre responsable de ce qui s’est passĂ©. 

 Le soutien de l’entourage et du collectif et la prise en charge collective 

Il est important que les personnes impactĂ©es par la rĂ©pression et les violences d’Etat soient soutenues par des groupes solidaires. Voici quelques pistes pour ces collectifs de soutien : 

  • Prendre position collectivement pour soutenir publiquement et politiquement la/les personnes blessĂ©.es en leur redonnant de la lĂ©gitimitĂ© ou affirmer tout simplement son soutien face aux Ă©preuves qu’iels vont affronter. Le collectif peut relayer la parole des personnes blessĂ©.es si iels souhaitent s’exprimer. 
  • Soutenir matĂ©riellement et Ă©motionnel (et c’est d’autant plus souhaitable si on affirme son soutien publiquement afin d’ĂȘtre cohĂ©rent.es) avec : 
  • une aide financiĂšre pour faire face aux pertes dĂ©clenchĂ©es par la blessure 
  • une aide juridique si la personne doit ou choisit d’y faire face 
  • orienter vers des collectifs d’entraide existants 
  • garder un lien ou rendre visite Ă  la personne impactĂ©e 
  • permettre qu’elle ait toujours une place au sein du collectif et s’adapter Ă©ventuellement Ă  ses besoins pour cela. 
  • Proposer de l’aide face aux problĂšmes administratifs divers (sĂ©curitĂ© sociale, (pĂŽle-) emploi, suivi santĂ©, expert.es…) qui peuvent ĂȘtre difficile Ă  gĂ©rer quand on est en dĂ©tresse psychologique. 

On peut pointer du doigts certains discours qui Ă  l’inverse sont insĂ©curisants et culpabilisants et donc Ă  Ă©viter et remettre en question comme : 
– Les discours qui ne reconnaissent pas les violences systĂ©mique ou d’Etat et/ou qui jugent la violence ou l’agressivitĂ© des rĂ©actions issue des personnes impactĂ©es par celles-ci. Rappelons-nous que la rĂ©pression d’Etat a pour objectif le contrĂŽle de la population et se base sur la peur. Cette politique de contrĂŽle touche historiquement certaines catĂ©gories de personnes en particulier (les personnes racisĂ©es, prĂ©caires, les personnes non conformes aux normes de genre
). Juger les rĂ©actions de ces personnes dans un contexte tel n’est pas aidant. 
– Les discours virilistes, qui glorifient le rapport Ă  la confrontation et Ă  la violence, au nom d’idĂ©aux politiques. Nous ne sommes pas tous·tes Ă©gales·aux devant la rĂ©pression policiĂšre, nous n’avons pas nous plus tous·tes les mĂȘmes capacitĂ©s physiques et envies. Tout le monde a une place dans la lutte, il existe une multitude de tactiques qui sont complĂ©mentaires, valorisons toutes les actions qui la rendent possible et inclusive en Ă©vitant de tomber dans des hiĂ©rarchies excluantes. 

Par les SoulĂšvements de la Terre

Autre document produit par les SoulÚvements de la Terre : « Soutenir une personne en détresse »