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Aux origines de l’effondrement du service public de santé

Photo de Mulyadi on Unsplash. Soignant assis par terre, seul, dans le noir, tête baissée.
Crédit : Mulyadi on Unsplash

« Les déserts médicaux progressent et l’hôpital public est au bord de l’implosion du fait de la diminution du nombre de lits, l’introduction en force du Nouveau management public et la dégradation des conditions de travail entraînant le départ en masse de personnels soignants épuisés et écœurés. »

« Les effets sont encore plus dramatiques pour les plus démunis, témoignant ainsi d’une politique de classe très violente : nous parlons ici de ceux qui ont la possibilité de se soigner ou pas. »

« A propos de la médecine générale, le dernier rapport de novembre 2021 de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), permet de mesurer les merveilleux effets de cette politique. Le rapport évoque avec pudeur une « pénurie manifeste » et avance quelques chiffres alarmants :
– 64 % des Français renonceraient à se soigner à cause des délais de rendez-vous des praticiens ;
– 10 % de la population n’a pas de médecin traitant dont plus de la moitié en cherche un et une part non-négligeable est atteinte de pathologie(s) chronique(s) ;
– 3 médecins généralistes sur 4 (72 %) admettent ne pas pouvoir répondre à la totalité des demandes de consultations non programmées pour le jour même ou le lendemain et 55 % d’entre eux estiment pouvoir répondre à moins de la moitié de ces demandes.

« L’hôpital n’échappe pas à cette règle d’une longue érosion de ses moyens au cours des 20 dernières années. Différentes réformes successives ont abouti à son démantèlement. »

« Finalement, l’ensemble de ces différentes réformes a entraîné une diminution forte du nombre de lits d’hospitalisation conventionnelle, dont la rhétorique habituelle consiste à contre-balancer cette baisse par l’augmentation parallèle du nombre de lits d’hospitalisation partielle, modalité qui ne répond pas à l’ensemble des défis à venir et déjà présents : maladies chronique et vieillissement de la population. »

« La dégradation des deux piliers du système de santé, par la réduction des effectifs médicaux et la diminution des capacités hospitalières d’un côté, par l’augmentation et le vieillissement de la population de l’autre aboutit in fine à un effet ciseau, se renforçant l’un l’autre dégradant très fortement la qualité mais également la simple possibilité d’accès aux soins. Cette situation met clairement la population française en danger, ce qui signifie très concrètement sur le terrain, des décès prématurés par faute de prise en charge.
Sans parler de la dégradation des conditions de travail pour tous les professionnels du soin que cette situation provoque et aggrave. Les destins de l’hôpital et des professionnels de santé de premier recours sont donc liés. »

« La situation sanitaire actuelle, tant de l’hôpital public que des PSPR, est le résultat d’une stratégie volontaire bien qu’en apparence un peu chaotique. Cette stratégie organisée repose sur une intrication de trois facteurs : sociologique, idéologique et institutionnel. »

« Le premier facteur est sociologique, de classe en réalité, il concerne la structure sociale de nos gouvernants qui sont par définition exclus du système de santé « normal ». »

« Le second facteur concerne l’idéologie capitaliste dans sa version néolibérale actuelle. Dans cette conception du monde, la concurrence doit devenir la règle partout, dans l’éducation comme dans la santé. Les dépenses publiques de ces deux postes doivent être diminuées au maximum et transférées sournoisement au secteur privé, forcément plus efficace. »
« La prochaine étape dans cette stratégie serait le transfert définitif au privé de pans entiers des hôpitaux publics. »

« Enfin, le troisième facteur est structurel : nous l’appellerons une « procrastination institutionnelle» . Les traités européens ont sanctuarisé l’ensemble des outils macro-économiques permettant habituellement à une nation souveraine de pouvoir orienter sa politique économique. »

« La communication des gouvernements, depuis au moins 2010, pointe systématiquement la responsabilité des professionnels dans un objectif de division. Les problèmes de l’hôpital viendraient d’une mauvaise organisation interne, les déserts médicaux d’une mauvaise coordination des professionnels libéraux, la surcharge des urgences de la faute des généralistes. Curieusement, la responsabilité des pouvoirs publics, pourtant écrasante comme nous l’avons démontrée, est systématiquement écartée des rapports officiels. Il est évident que le pouvoir refuse d’endosser la responsabilité de la situation, il est préférable que la population l’ignore pour que celle-ci retourne son angoisse et sa colère contre les professionnels de santé et pas contre eux. »

Article de Le Vent Se Lève à retrouver dans son intégralité ici :
https://lvsl.fr/leffondrement-du-service-public-de-sante/