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Communiqué du Printemps de la Psychiatrie

Nous relayons le communiqué du Printemps de la psychiatrie, composé d’une cinquantaine de collectifs, suite au décès de Carène, infirmière à l’hôpital de Reims :

« Le Printemps de la psychiatrie se sent concerné par le terrible événement survenu au CHU de Reims, l’assassinat de l’infirmière Carène Mezino. C’est une tragédie pour la victime et ses proches et une catastrophe pour tous les patients de la psychiatrie qui risquent d’être encore plus stigmatisés.

Dès son annonce, nous avons su que ce drame raviverait le débat sur la dangerosité supposée de tous les patients de la psychiatrie, et sur les « solutions » sécuritaires. En effet, les mêmes raisonnements ont surgi en 2008 et abouti au sinistre discours du Président Sarkozy. Ce fut alors le retour à la psychiatrie sécuritaire, le développement d’un populisme pénal où l’enfermement à vie s’imposerait. Rappelons que les patients de la psychiatrie sont moins violents que la population générale, et sont plus souvent victimes des agressions.

Alors que les professionnels, les patients et leurs familles savent bien que le degré de la civilisation d’une société se mesure à la façon dont elle traite ses malades psychiatriques, il est grave que l’actuel Président de la république ait sous-entendu à cette occasion qu’un comportement délirant d’un malade psychiatrique, entrainant la mort d’un soignant, soit parmi les indices d’une dé-civilisation de la société [1]. C’est véritablement glaçant.

Ce qui a changé aujourd’hui, c’est la réaction des citoyens engagés, révoltés par l’attitude haineuse à l’égard des patients. Ils luttent contre le déclin dramatique de l’accueil et du soin des personnes qui vivent au cours de leur existence des périodes de fragilité psychique. Ils tentent d’empêcher la destruction des institutions du soin psychiques, reconnues comme indispensables, et ses conséquences dans la cité, jusqu’à l’abandon des malades à la rue et en prison. Cette destruction résulte des choix politiques, notamment de ces trente dernières années, dans le champ de la santé, mais aussi dans ceux de la justice, de la protection de l’enfance, du travail social, du médicosocial …

Force est de constater qu’une régression s’accentue, la psychiatrie et la pédopsychiatrie sont devenues les parents pauvres de l’hôpital public, lui-même en déliquescence. Régression en termes de moyens humains et financiers, réduction du nombre de lieux de soins et de leur accessibilité, réduction de qualification des professionnels. Et une fondamentale régression idéologique aussi, avec la réduction de la diversité des pratiques et des formations.

Le soin psychique conçu comme une relation de confiance entre une équipe, un patient et son milieu (familles, proches, tuteurs, etc.) dans le dispositif de secteur, à chaque fois à réinventer dans la singulière complexité bio-psycho-sociale de la personne, cède le pas à des soins standardisés, des protocoles simplistes où les personnes, patients comme soignants, telles des machines, pourraient être interchangeables. Aujourd’hui, le discours officiel soutenu par les lobbys est triomphaliste. Il promet le rétablissement et l’inclusion pour tous. Mais nous savons qu’en réalité il masque l’abandon des soins de base et des soins au long cours souvent nécessaires (psychothérapie, activités et accompagnements thérapeutiques…), qui ainsi se réduisent à une ordonnance de médicaments.

Le gouvernement annonce des bâtiments hospitaliers qui seraient hermétiques à la cité, et aussi des bracelets de géo-localisation… Pas un mot sur des politiques qui ont consisté, depuis des décennies, à supprimer des lits, fermer des chambres, épuiser les soignants en les soumettant à des contraintes et des diktats administratifs qui freinent leur créativité, leur disponibilité aux soins. Sans parler, dans le même temps, du projet de construction de nouvelles places de prison. Le choix politique est clair.

Le Printemps de la psychiatrie – mouvement pour le renouveau des soins psychiques ouvert à tous les professionnels, aux personnes concernées, leurs ami.es et proches, tous citoyens engagés – se bat pour relancer une vision du soin psychique émancipateur où la personne est appréhendée dans sa dimension d’être humain en souffrance et non comme un cerveau avec un défaut à corriger.

Le Printemps de la psychiatrie dont chaque membre se sent concerné par ce terrible événement ne peut que déplorer les récupérations sécuritaires. Nous réaffirmons notre militantisme pour un soin basé sur la reconnaissance de « la valeur humaine de la folie », sur les singularités irréductibles de notre vie consciente et inconsciente, ses fantômes et tumultes.

Il faut relancer une psychiatrie désirable pour les soignants de tous métiers et accueillante pour les personnes concernées, qui tisse un support humain de confiance et de proximité, qui permet aux patients les plus fragiles ou en crise d’avoir toujours accès à une équipe pluri-disciplinaire, qui soigne sans cesse la cohérence de sa pratique et bénéficie de supervision.

Le Printemps de la psychiatrie tient à s’associer au deuil de la famille et des proches de l’infirmière Carène Mezino. Nos pensées vont aussi vers la secrétaire blessée, l’ensemble de l’équipe de la médecine du travail, et vers les professionnels et patients de cet hôpital. Une pensée aussi pour la famille du malade et pour luimême.

30 mai 2023
Printemps de la psychiatrie
printempsdelapsychiatrie@gmail.com »

[1] E. Macron, Conseil des ministres, 24 mai 2023 : « Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes. Il faut travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation ».
[2] F. Tosquelles : « Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît ».

Communiqué du Printemps de la Psychiatrie 1/2
Contenu à lire dans l'article
Communiqué du Printemps de la Psychiatrie 2/2
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Crédit : Printemps de la psychiatrie

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