L’appel des psychologues à se mobiliser le 29 septembre.
La pandémie, puis la guerre en Ukraine et la réalité palpable du dérèglement climatique ont entraîné une dégradation de l’état psychique de nombreuses personnes.
Par leur caractère extrême, la pandémie et sa cohorte de mesures ont en effet réveillé des angoisses de mort, modifié les liens, engendré/majoré des violences intra-familiales et créé/accentué des situations de précarité sociale.
Survenant coup sur coup, la pandémie, la guerre et les impacts désormais palpables du dérèglement climatique ont oblitéré les projections dans l’avenir et sentiment de sécurité interne.
Les consultations pour anxiété, dépression, traumatisme psychique, deuils compliqués, addictions, décompensation de pathologies pré-existantes, etc. ont donc augmenté.
Or, les services de soins psychiques publics (hôpitaux psychiatriques, Centres Médico-Psychologiques, Centres d’Activités Thérapeutiques, Hôpitaux de Jour), qui avaient déjà du mal à faire face aux demandes avant le Covid, se trouvent débordés, les délais avant de pouvoir avoir accès à un rendez-vous, un suivi, une hospitalisation s’allongent terriblement. La pénurie de psychiatres se fait de plus en plus ressentir. La poursuite de la politique de fermetures de lits, voire de services entiers, a également majoré les difficultés d’accès aux soins psychiques pour la population.
Macron s’est targué de prendre en compte la souffrance psychologique de la population et a ainsi annoncé il y a 1 an la création de 800 postes de psychologues dans les Centres Médico-Psychologiques à partir de 2022. C’est tardif, insuffisant et les ouvertures de postes dans les établissements (toujours soumis aux restrictions budgétaires) se font toujours attendre.
Soulignons au passage que la profession est probablement l’une des (si ce n’est la) plus précaires dans les hôpitaux : plus de la moitié des psychologues hospitaliers en France sont embauchés sous contrat, parfois depuis de très longues années.
Cet « effort » vers la psychiatrie publique n’est donc pas à la hauteur des besoins, criants, de la population.
Il est donc urgent de réinvestir massivement dans l’hôpital public, de revaloriser les différentes professions, de changer les organisations du travail afin de faciliter l’autonomie des professionnels et d’éviter la fuite que l’on connaît désormais dans toute la fonction publique.
Dans une volonté d’externaliser les missions de service public vers le privé, Macron et son gouvernement ont annoncé la création de 200 postes de psychologues dans les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles et le lancement du dispositif « Mon Psy » en 2022.
Le dispositif « Mon Psy » vise à permettre un remboursement par la Sécurité Sociale et les mutuelles des consultations chez les psychologues installés en libéral.
Disons-le clairement : les psychologues sont très majoritairement favorables au remboursement des consultations … mais pas n’importe comment. Et c’est là que le bât blesse. Explications :
Le dispositif « Mon Psy » a été lancé sans concertation préalable avec les psychologues, pour la démocratie, on repassera.
Dans le dispositif « Mon Psy », l’accès aux psychologues conventionnés se fait sur prescriptions médicales. Or, les psychologues sont issus d’une formation en sciences humaines, iels ne font donc pas partie de la filière paramédicale. En imposant une tutelle médicale, le gouvernement supprime à la population le droit au libre accès aux psychologues et aux psychologues leur autonomie professionnelle.
Cette prescription préalable par le médecin traitant exclut de fait toutes les personnes, de plus en plus nombreuses, qui n’en ont pas ou plus, tant les médecins généralistes manquent.
Le dispositif suppose d’avoir une mutuelle ou une complémentaire santé, c’est donc une mesure inégalitaire qui continue de favoriser le secteur privé.
Les motifs de consultations doivent se limiter à des symptômes anxieux ou dépressifs légers à modérés.
Comme si les psychologues n’avaient pas les compétences et l’habitude de prendre en charge des patients souffrant de pathologies très diverses, parfois lourdes, et de travailler en lien avec les professionnels et structures partenaires dans l’intérêt des patients. C’est au mieux une méconnaissance du métier, au pire une marque de mépris, tant à l’égard des psychologues que de la population.
Le circuit imposé aux patients est surréaliste : ils devront donc d’abord consulter leur médecin traitant qui leur prescrira un entretien d’évaluation (1 séance) chez un psychologue conventionné, ils devront ensuite retourner le voir pour qu’il leur prescrive 7 autres séances. A l’issue de ces 8 séances (maximum par année civile), si les personnes ressentent le besoin de poursuive le travail psychothérapeutique (en général, 2 mois suffisent rarement), elles devront retourner consulter leur médecin traitant qui les orientera vers un psychiatre (dont les délais d’attente sont plutôt de l’ordre de 4 à 6 mois, ce qui entraînera inévitablement une rupture du suivi psychothérapeutique) pour que celui-ci les renvoie vers le psychologue conventionné pour d’autres séances payantes en attendant une nouvelle prise en charge de 8 séances l’année suivante (ou à défaut vers le Centre Médico-Psychologique). On voit bien ici les limites de ce montage, entre pénurie médicale, parcours du combattant pour les patients, risques d’interruption prématurée du suivi psychologique. Ce dispositif relève donc plus d’un effet d’annonce en trompe-l’œil que d’une réelle avancée dans la prise en compte des souffrances psychiques de la population.
Nouvelle marque de méconnaissance et de mépris à l’égard du travail des psychologues et par ricochet de la population, le gouvernement s’est dit qu’il fallait aussi limiter le montant des séances. En effet, sans tenir compte des tarifs pratiqués habituellement par les professionnels (entre 50 et 80€ environ selon les villes), le gouvernement a décrété que les séances seraient fixées à 30€ (40€ pour l’entretien d’évaluation), sans qu’il soit possible de pratiquer un tarif supérieur.
Une telle diminution de rémunération entraînerait une précarisation des psychologues qui devraient, pour pouvoir vivre de leur activité, financer leurs formations et payer leurs loyers, charges et cotisations, multiplier les consultations, au détriment de la qualité de leur travail auprès des patients et de leur santé. #UberPsy
Le gouvernement a proposé de réduire la durée des séances (habituellement de 45 à 60 minutes) à 30 minutes. Sauf qu’amputer les séances au moins d’un tiers de leur temps (voire de la moitié) n’a pas de sens et ne permettrait pas aux patients et aux psychologues de travailler sereinement et en sécurité. Cet aménagement est donc inenvisageable pour les psychologues car contraire à leur déontologie.
Prochaine étape de ce dispositif de remboursement de soins psychologiques standardisés et taylorisés : limiter les techniques de prise en charge et restreindre l’accès à certains courants de la psychologie ? C’est déjà le cas dans certains établissements et pour certaines pathologies.
Pour résumer, le dispositif « Mon Psy » est un leurre, il ne garantit pas la qualité de l’intervention psychologique, ne répond pas aux mal-être et souffrances de la population, ne couvre pas les besoins.
Pour toutes ces raisons, l’ensemble des psychologues s’oppose très vigoureusement à ce dispositif, qui est d’ailleurs très largement boycotté par et celles et ceux installés en libéral (moins de 5% des psychologues ont intégré le dispositif).
Par ailleurs, le gouvernement veut créer un Ordre professionnel pour les psychologues. On sait d’expérience que les Ordres se réduisent à des organes autoritaires et disciplinaires loin de toute aide qu’ils sont sensés apporter aux professionnels. Mais finalement comment s’étonner de cette tendance coercitive de ce gouvernement…
Si les psychologues s’étaient déjà ponctuellement mobilisés dans le passé, depuis 2020 plusieurs mouvements ont eu lieu pour exiger une reconnaissance de leur métier. Celle-ci passerait par des effectifs suffisants dans les institutions publiques, une augmentation des salaires, l’octroi de la « prime Ségur », la refonte complète du dispositif « Mon Psy » afin que la population puisse avoir un libre accès aux psychologues et que les professionnels soient autonomes dans leurs pratiques et perçoivent une rémunération à hauteur de leurs qualifications pour pouvoir bien travailler et bien prendre en soin les personnes en souffrance psychique qu’ils et elles reçoivent.
La mobilisation des psychologues ne vise donc pas seulement à défendre leur corporation mais s’inscrit bien dans la lutte collective pour défendre le service public, l’accès égalitaire à des soins de qualité pour la population, les conditions pour bien travailler et contre l’autoritarisme de l’État.
Alors, rejoignons les manifestations prévues partout sur le territoire jeudi 29, aux côtés des psychologues et de toutes les personnes qui luttent pour des conditions de travail et de vie dignes et contre le capitalisme qui nous broie.
Liste non exhaustive des mobilisations des psychologues le 29 septembre (source Syndicat National des Psychologues) :
Belle-Ile : rassemblement à 11h au Port du Palais
Bordeaux : rdv à 9h au C.H. Charles Perrens pour un/une inter-collège/AG puis jonction avec la manif interpro
Bourgogne : appel à rejoindre les manifs à Lyon ou à Paris
Clermont-Ferrand : manif interpro à 10h30 Place des luttes (ancienne Place des Carmes)
Lille : rencontre entre psychologues Square Lebas entre 14h30 et 15h, à proximité de la manifestation organisée par la CGT, Porte de Paris, vers 14h30
Lorient : rassemblement à 10h30 à Lorientis
Lyon : 11H30 rassemblement Quai Augagneur devant le Square Delestraint pour rejoindre ensuite la manif interprofessionnelle et intersyndicale
Marseille : rassemblement au Vieux Port sous l’ombrière à 9h30.
Montpellier : 11h30 Place de la comédie devant l’Opéra
Nancy : RDV place Domballe à 14h
Nantes : 10h30 devant la Préfecture
Niort : rassemblement Place de la Brèche à 11h
Paris : rassemblement à 12h30 Place Denfert Rochereau, départ du cortège à 14h
Pontivy : rassemblement à La Plaine à 10h30
Rennes : rencontre avec les députés et sénateurs bretons à 9h à l’EPSM Guillaume Régnier au local CGT, rassemblement interpro à 12h sur l’Esplanade Charles de Gaulle
Saint-Etienne : manif sur Lyon
Strasbourg : 14h Place Kléber, demande d’audience à l’ARS, spécifiquement pour les psychologues
Toulouse : rassemblement puis pique-nique débat à 12h Place Arnaud Bernard pour rejoindre ensuite le cortège interpro à 14h
Valence : rassemblement à 14h au Champ de Mars pour ceux qui ne peuvent se rendre à Lyon
Vannes : rassemblement à la Rabine à 10h30