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Les mots me manquent

Photo d'une maison de l'étudiant.e. Légende "Letre d'un étudiant dans un monde à la dérive. Les mots me manquent."

Hier soir un étudiant mettait fin à ses jours dans sa chambre étudiante à Nanterre. 20 ans.

Je ne le connaissais pas, son nom ne m’était pas inconnu mais ce n’est pas le sujet, il avait 20 ans et n’en aura jamais plus.

Pourtant aujourd’hui ce n’est pas ce qui semble poser problème. Ce n’est pas son nom que l’on retrouve en « tendances » Twitter mais celui d’un politicien. Les débats ne portent pas sur les raisons qui peuvent pousser un jeune de 20 ans à mettre fin à ses jours mais portent sur la présomption d’innocence. N’avez-vous donc aucun respect pour la mort ? Un garçon de 20 ans s’est ôté la vie et vous trouvez que c’est le moment adéquat pour vous lamenter des accusations qu’il a eu le courage de formuler quelques semaines plus tôt. N’avez-vous donc pas la moindre décence ?

L’heure n’est pas aux règlements de comptes mais au deuil. Un jeune de 20 ans n’est plus, une vie de plus broyée par notre impitoyable société. Ayez la délicatesse de laisser ses proches le pleurer. Justice sera rendue, cela ne fait aucun doute, car nous n’oublierons pas. D’ici là il n’appartient à personne d’autre qu’au juge de remettre sa parole en question.

A tous les médias qui ne voient dans cette tragédie qu’une opportunité pour faire du clic : Je vous méprise. Vous publiez des articles sans la moindre pudeur, violez et exposez à tous la vie privée d’un homme dont le corps est encore chaud. Quelle belle société qu’est celle dans laquelle nous vivons, là où la mort fait vendre et là où elle est instrumentalisée à des fins politiques !

Un étudiant est mort, il avait 20 ans. Je ne le connaissais pas et je ne le connaîtrai jamais. Je sais néanmoins qu’il était bien plus que « X, l’étudiant qui avait accusé un élu parisien de viol » (L’Obs, 10/02/21), chose à quoi tous les médias et justiciers du net veulent le réduire.

J’ai honte, honte de cette société qui ne respecte pas la mort, honte de cette société qui n’hésite pas à salir la mémoire d’un étudiant à peine décédé, honte de cette société qui ne prend plus le temps de pleurer ses morts et qui laisse les précaires mourir dans l’indifférence la plus totale à moins qu’ils aient proféré des accusations graves à l’encontre d’une figure de la haute société (car oui, un élu du PCF reste un homme politique aux nombreux privilèges). Notre passivité et notre silence nous rendent coupables. Honte à nous qui acceptons d’évoluer dans une telle société.

Un étudiant est mort, il avait 20 ans. Mes pensées vont à lui et à ses proches ainsi qu’à tous ceux qui ont vu leur vie broyée par cette société dans laquelle nous évoluons.