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Les profs en ont marre de se faire apaiser !

Visuel avec un montage photo (crédit inconnu) de Margaret Tatcher qui se transforme en Jean-Michel Blanquer puis en Pop NDiaye. Légende du Printemps du Care : "Comme un air de famille. Alerte ! Tatchérisation en cours".

Foutriquet 1er a commencé sa tournée présidentielle à la rencontre des Français·es, ses pauvres ingrats qui ne comprennent même pas tout le bien qu’il leur veut malgré eux. On a bien senti qu’il s’agissait pour le pouvoir de tenter d’éteindre au plus vite la colère populaire, en décrétant qu’il était temps de passer à autre chose. C’est mal nous connaître.

Le monarque a donc décidé de commencer sa campagne de reconquête par une tournée dans ses provinces, ses malles remplies de quelques breloques à distribuer aux grands enfants parfois un peu chamailleurs que nous sommes, tel un Père Noël républicain. Fin du retrait des points pour les petits excès de vitesse, réduction par deux du délai pour refaire sa carte d’identité, quelle débauche de moyens pour vite faire oublier aux travailleurs qu’ils écopent de deux ans supplémentaires de travaux forcés !

Mais surtout, après avoir annoncé qu’il allait bientôt annoncer la revalorisation tant attendue par les enseignants, Foutriquet met le paquet et sort le grand jeu lors d’une mise en scène ratée au collège de Ganges. On y voit l’Elu, surexcité au milieu d’un auditoire qui semble captif (au sens premier du terme), se lancer dans une grande diatribe indigeste sur l’école (vous savez mérite, valeurs républicaines et égalité des chances), avec un enthousiasme surjoué qui contraste avec l’ennui ferme des visages à ses côtés.

On retiendra de cette bouillie présidentielle le ridicule des chiffres annoncés qu’il a désespérément tenté de rendre sexys. Il a balancé le chiffre de 385 euros (500 bruts) qui correspond en fait au montant maximal qu’un·e prof puisse espérer toucher en cumulant le doublement d’une prime, la revalorisation maximale pour les débutant·es (qui rappelons-le ont les traitements parmi les plus faibles de l’OCDE), et bien sûr le paiement des heures supplémentaires pour celles et ceux qui accepteraient de faire toutes les heures supp du pacte.  Bon honnêtement, on n’attendait rien des annonces du VRP de la République. On ne compte pas sur ce gouvernement croque-mort pour effacer 25 ans d’une politique délibérée de sabordage des services publics et de paupérisation de ses agents.
Pour la majorité des profs c’est-à-dire celles et ceux qui ont plus de 15 ans de carrière, ça se résume à 92 ou 96 euros de primes, somme toute moins que l’inflation. Ils et elles sont juste encore un peu plus pauvres que l’année dernière. Fin de la blague. On n’a même pas envie de s’appesantir sur les chiffres, d’autres ont révélé avec talent l’imposture (voir notamment les graphiques tenant compte de l’inflation de Kevin Hédé sur Twitter par exemple).
Proposer de faire des heures sup alors que tant de personnels souffrent de burn-out est juste insupportable et indécent. De plus, le pacte n’est qu’une stratégie individuelle pour augmenter ses revenus, pour celles et ceux qui le peuvent. Mettre le doigt dans l’engrenage des missions particulières c’est aussi affaiblir le statut de fonctionnaire avec son avancement à l’ancienne pour individualiser les carrières.
Ça reste quand même assez savoureux de voir Pap Ndiaye se tortiller pour faire le SAV dans les médias, se débattre pour essayer de faire croire que leur pacte tout pété allait régler les problèmes de remplacement qu’ils ont eux-mêmes créés.

Mais ce qui met profondément en colère, c’est tout ce que Foutriquet et ses commentateurs taisent de ce qu’ils font de l’école. Pour eux, c’est une machine à trier qui conduit à mettre les élèves en concurrence et à légitimer la distribution des places dans la société. L’égalité des chances, dans la novlangue néolibérale, c’est quand les élèves pauvres mais brillants ont aussi accès aux filières d’élite. C’est un dévoiement complet de la notion d’éducation pour tous et toutes. De plus la fiction méritocrative permet d’éluder totalement toute réflexion sur les inégalités sociales dans la société.

La grande priorité de l’Education Nationale devrait être qu’il n’y ait aucun élève qui sorte de l’institution sans savoir lire et compter, ni en ayant été humilié. C’est pour ces élèves-là qu’on devrait mettre le paquet. Ça en dit long sur l’abandon institutionnel des élèves les plus fragiles et leur place dans le processus de sélection que de se dire que certain·es ont passé des années à l’école en passant complètement au travers des apprentissages fondamentaux. Ce n’est pas la faute des performances individuelles des personnels mais d’un système élitiste dans une société inégalitaire. Les profs manquent de temps en classe pour faire progresser ces élèves parce qu’ils doivent faire avancer le gros des troupes sur des programmes lourds, tout en gérant comme ils ou elles le peuvent de multiples obstacles. Les classes surchargées, les tâches administratives toujours plus chronophages et inutlles, les situations explosives que vivent certains enfants, une inclusion dans des conditions d’accueil défaillantes, la ségrégation sociale, les injonctions permanentes… Les équipes pédagogiques ne peuvent pas s’appuyer non plus sur le secteur médico-social, lui-même sous l’eau, ni sur les professeurs spécialisés dont les postes n’existent plus que sur le papier, non pourvus ou trop dilués. 

L’apprentissage scolaire repose en partie sur l’implication tacite des familles et laisse sur le carreau celles qui ne le savent pas, ou qui ne sont pas disponibles pour la course aux savoirs, pour de multiples raisons qui n’ont rien à voir avec leur implication en tant que parents. Blanquer a pleuré sur les élèves dans la précarité pour rouvrir les écoles lors de la crise du Covid mais qu’est-ce qui a été fait depuis ? Rien. Nombre de gens sont dans des situations encore plus précaires. Comment être disponible pour accompagner son enfant quand on vit à 5 dans un studio hors de prix ? Quand on travaille en horaires décalés ? Quand on rentre épuisé du travail ou qu’on est déjà bien assez occupé par les galères ? Ou parce qu’on n’a pas beaucoup de culture scolaire, qu’on connaît mal les attendus scolaires ou tout simplement qu’on pense qu’on peut faire confiance à l’école publique pour assurer l’apprentissage ? Big up au passage à toutes les mamans solos qui se débrouillent seules avec l’éducation de leurs enfants. Nous dénonçons bien sûr la ridicule tentative de récupération de Foutriquet sur le dos des enseignant•es mais aussi son projet mortifère pour l’école. 

No pactaran.