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🤮New public management Ă  l’Ă©cole !🤮

Nous relayons cet appel des directrices et directeurs d’Ă©cole qui rĂ©agissent Ă  la loi Rilhac votĂ©e le 29 septembre Ă  l’AssemblĂ©e Nationale. Cette loi, sous couvert de renforcer le pouvoir d’action des directrices et directeurs d’Ă©coles primaires leur donne un statut de chef et de nouvelles responsabilitĂ©s dont ils et elles ne veulent pas ! Allez savoir de quoi blanquer.e se mĂŞle ! Encore une fois, c’est la devise chère Ă  la macronie « Diviser pour mieux rĂ©gner » qui a guidĂ© l’Ă©criture de ce projet de loi et non pas la demande des directrices et directeurs. Car oui, il y avait bien des rĂ©clamations de leur part mais pas du tout prises en considĂ©ration. RĂ©clamation de longue date y compris par le don de sa vie de Christine Renon, directrice d’une Ă©cole de Pantin qui, Ă  bout de forces, a commis l’acte ultime et symbolique de se donner la mort dans son Ă©cole il y a deux ans.
Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas de donner de l’air aux Ă©coles. Avec cette loi, exit les dĂ©cisions collĂ©giales du conseil des maĂ®tres, l’inspecteur qui reste supĂ©rieur hiĂ©rarchique de l’équipe mais dĂ©lègue une part de son autoritĂ©, a le pied dans la porte des Ă©coles. On a affaire Ă  un management par dĂ©lĂ©gation de responsabilitĂ©s : les objectifs restent fixĂ©s par le grand chef, les moyens restent en sous-dotation chronique, mais c’est aux « échelons infĂ©rieurs » d’ĂŞtre crĂ©atifs pour remplir les objectifs et faire briller les yeux (et les dent abimĂ©es Ă  force de rayer le parquet) du patron. Les directrices et directeurs ont pourtant bien besoin qu’on trouve des solutions pour les soulager. Christine Renon a laissĂ© une lettre sans ambigĂĽitĂ©. Elle ne s’est pas suicidĂ©e parce qu’elle rĂŞvait d’une Ă©cole oĂą ses collègues lui obĂ©iraient, mais parce qu’elle Ă©tait Ă©puisĂ©e en absurdistan. L’imprĂ©paration, le manque de postes, la maltraitance institutionnelle avec des personnels traitĂ©s comme des pions, le sempiternel turn-over, les injonctions contradictoires, les tableaux excel Ă  renvoyer pour avant-hier, les relations compliquĂ©es avec les multiples partenaires … bref ce sont le manque d’humanitĂ© et la lourdeur d’un travail sans fin et peu satisfaisant qui l’ont poussĂ©e Ă  sauter par la fenĂŞtre sur son lieu de travail.
N’en dĂ©plaise Ă  macron le VRP de la start-up nation, le personnel ne part pas parce qu’il n’adhère pas au projeeeeet de l’Ă©cole (voir article du CafĂ© PĂ©dagogique suite au discours de PĂ©dago 1er). Les enseignant.es, dont celleux qui sont sur les postes de directeur et de directrice partent parce que le projeeet, c’est surtout d’enseigner et d’avoir les moyens pour le faire tandis qu’ils ont des conditions de travail qui rendent difficile voire impossible d’assurer leurs missions. La lettre de Christine Renon nous parle de fatigue, d’impuissance et de solitude, de temps passĂ© Ă  rĂ©gler la participation Ă  des dispositifs absurdes et chronophages, de problèmes auxquels l’Ă©cole ne peut rien dans un environnement social dĂ©gradĂ©. Ce gouvernement dans un monologue lui rĂ©pond responsabilitĂ©s, statut, pouvoir hiĂ©rarchique. Ce gouvernement a supprimĂ© les postes de secrĂ©taires, multipliĂ© les demandes de reddition de comptes et les injonctions aux « bonnes pratiques » au mĂ©pris de la rĂ©alitĂ© du terrain. La surditĂ© peut-elle expliquer que la loi passe complètement Ă  cĂ´tĂ© de ce que rĂ©clament haut et fort les directrices et directeurs et, pire, qu’elle fasse fi des rĂ©sistances et victoires contre les nombreuses tentatives prĂ©cĂ©dentes d’introduire le management libĂ©ral dans les Ă©coles ?

Alors que l’immense majoritĂ© des professeur.es des Ă©coles, dont les directrices et les directeurs, rejettent la dĂ©lĂ©gation des compĂ©tences que les gouvernements essaient de faire passer plus ou moins subtilement depuis des annĂ©es dans leurs tentatives d’instaurer un système Ă©ducatif nĂ©olibĂ©ral dans lequel les Ă©tablissements sont en concurrence, blanquer.e (dĂ©majusculĂ©) profite de la sidĂ©ration qui frappe la profession Ă©puisĂ©e par la crise sanitaire pour faire passer en force ses rĂ©formes. L’autonomie des Ă©tablissements avec Ă  leur tĂŞte un chef en est une pierre angulaire. Rilhac, dans un immense foutage de gueule, nous parle en novlangue managĂ©riale d’harmonie et de chef d’orchestre, comme si l’introduction d’un chaĂ®non hiĂ©rarchique supplĂ©mentaire destinĂ© Ă  relayer les directives et surveiller leur application pouvait jamais crĂ©er une quelconque harmonie dans le monde du travail. Au contraire, en octroyant plus de « libertĂ© » aux directrices et directeurs qui peuvent maintenant dĂ©cider seul.e.s (enfin hĂ©hĂ© cĂ©skidisent…en vrai tĂ©lĂ©guidĂ©.e.s par le ministère via les directeurs et directrices d’acadĂ©mie et les inspecteurs et inspectrices) de choix politiques et pĂ©dagogiques, elle casse l’idĂ©e mĂŞme d’équipe en la scindant en deux camps, les enseignant.e.s et leur chef.fe. La cupiditĂ© est en tout cas certaine car ce supplĂ©ment de responsabilitĂ© n’est accompagnĂ© d’aucun supplĂ©ment de salaire et l’article 2 bis qui concerne les embauches de personnel administratif pour les aider est suffisamment vague (2 lignes!) pour qu’ils n’y aient que rarement droit. L’arrogance soutenue par un sentiment de supĂ©rioritĂ© est aussi Ă  l’œuvre puisqu’on pense faire mieux en macronie que dans les pays dont le new public management connait un Ă©chec cuisant et catastrophique pour celleux qui sont censĂ©.e.s en bĂ©nĂ©ficier (voir ici).
Il faut également regarder ce que cela va changer pour les élèves et leur famille. Déjà, nous pensons que s’il est bien un endroit, avec l’hôpital, où le CARE doit être au cœur des préoccupations, c’est bien à l’école. Non seulement comme proposition éducative pour former les futur.e.s adultes de demain dont on sait qu’iels auront à se soucier les un.e.s des autres pour faire face aux difficultés qui les attendent, mais aussi pour leur assurer un espace où apprendre sereinement. Le modèle managérial capitaliste dresse les un.e.s contre les autres, exploite les processus de domination au nom de la réussite qui passe par la concurrence. Si les directeurs et directrices actuellement en poste sont majoritairement contre ce système et essayeront de ne pas modifier leur manière de diriger leur école, d’une part les enseignant.e.s recruté.e.s seront formé.e.s dans ce modèle et pousseront les directrices et directeurs à diriger autrement et l’on peut d’autre part parier qu’il y aura des candidat.e.s empressé.e.s de jouer les chefaillons qui viendront progressivement remplacer les anciens.

Ce que veulent les directeurices c’est du temps, une aide administrative, un mĂ©tier qui ait du sens, et au passage du pognon comme tous les profs dont le salaire est gelĂ© depuis des lustres. Mais de satisfaire les besoins des travailleurs il n’est point question dans cette loi, seulement de l’application verticale et absurde d’un flicage des Ă©quipes pĂ©dagogiques, avec l’isolement et la pression sur les directeurs et directrices et par leur intermĂ©diaire de toustes les profs.
Mais c’est pas grave, ils trouveront une solution lĂ -haut pour prĂ©venir le burn-out collectif : de nouvelles fenĂŞtres anti-suicides ?
Cette loi, comme la plupart de celles qui passent sous le règne de macron, méprise celles et ceux qu’elle concerne et fait entrer le ver dans la pomme. Vite un seau, on a envie de gerber ! 🤮🤮🤮