PLUS DE MÉDECINS, MOINS DE LIBÉRALISME
Une fois n’est pas coutume, nous ne sommes pas solidaires d’une grève, celle des médecins libéraux de cette semaine.
Nous vous expliquons pourquoi.
D’abord et c’est essentiel parce que nous ne croyons pas que l’organisation libérale de la médecine ait un avenir, et un effet favorable sur le système de santé en déliquescence.
Tout comme nous croyons profondément que l’organisation libérale de la société dans son ensemble n’a aucun avenir.
Nous pensons que la libéralisation du système de santé a au contraire un effet néfaste en ce sens qu’elle promet une marchandisation des corps au détriment de la solidarité et de la mise en collectif des moyens des services publics.
Nous pensons que ce que les médecins libéraux demandent aujourd’hui est insuffisant.
Bien entendu on peut d’un certain point de vue comprendre le fait qu’ils se sentent délaissés, dévalorisés, peu reconnus, alors même que le pays souffre d’un manque chronique de médecins de ville, mais à nos yeux leur revendication est tournée vers un entre soi que nous avons du mal à accepter.
Pourquoi ne pas aller plus loin dès lors qu’eux mêmes, au travers du collectif « médecins pour demain » affirment que « Ce n’est pas à nous de subir les erreurs de gestion de nos politiques en nous faisant exploiter et traîner dans la boue encore et encore ! Avant d’être médecins, nous sommes avant tout des êtres humains. Et on s’étonne que les médecins libéraux soient en voie de disparition … » ?
Ce n’est pas en réclamant un prix de consultation plus élevé, ou en demandant par exemple à ce que les rendez vous non honorés soient payants, que le trou sans fin du manque chronique de médecins sera comblé.
Nous, nous pensons plutôt que c’est à la racine qu’il faut soigner le mal.
Par exemple, pour la ville, nous croyons davantage que les centres de santé – on rappelle que ce sont des structures à but non lucratif, qui salarient les soignant.e.s et leur permettent un exercice sans conflit d’intérêt- sont une réponse adaptée à la crise de la médecine de premier recours, et où des médecins et des infirmières en pratique avancée peuvent même coopérer pour le bien des patient.e.s!
On l’affirme de source sûre puisqu’en France cette expérience existe et fonctionne, bien qu’extrêmement minoritaire.
Quant à cette revendication de créer un « choc d’attractivité » en doublant le prix de la consultation, outre une petite nausée devant cette prétention de classe que nous parait être ce doublement, elle nous évoque avant tout le fait que la tarification à l’activité (T2A) est, en ville comme a l’hôpital, une vaste fumisterie.
Le soin est le processus de construction d’une alliance thérapeutique des personnes impliquées dans le projet de la personne soignée.
Bien sûr, ce processus peut comprendre des « actes », tels qu’une prise de sang, une radio, ou une intervention chirurgicale. Mais le soin n’est pas résumable à la somme des actes qui le parsèment.
Ou sinon, la multiplication des actes inutiles devient rentable, et l’accompagnement de personnes en situation de santé complexe impossible à financer.
On en est là.
Bref, on espère, pour une fois, que cette mobilisation fera un flop, et qu’elle poussera plutôt ces médecins à réfléchir à des alternatives à la fois valorisantes pour elles et eux, et tournées vers le collectif, pour les patient.es.